Série Le premier homme

 

Cela fait maintenant quatre ans que j’ai commencé la série “Le premier homme” et je l’imagine sans une véritable fin. J’aime la comparer à un roman inachevé - à l’instar du dernier roman du même titre écrit par Albert Camus - qui aurait pour sujet de recherche l’humain. Elle trouvera d’ailleurs dans un avenir proche, sous la forme d’un livre d’artiste, un prolongement à son état actuel, ce qui devrait la structurer et la rendre moins vaporeuse.

 

En me jouant des codes de la photographie, j’ai cherché à élaborer un documentaire polymorphe et ambigu autour d’un personnage grave et insaisissable.

 

Cet homme, Monsieur B., s’est volontairement éloigné de ses congénères pour mieux se penser et ainsi, par la suite, mieux affronter les défis du monde contemporain. Bien que cela puisse paraître paradoxal, Monsieur B. estime qu’il ne peut trouver l’autre qu’en se cherchant lui-même. En ce sens, il est “le premier homme”, tout comme chaque individu qui part en quête de soi est “le premier homme”. J’invite le spectateur à plonger dans l’univers extraordinaire de Monsieur B, métaphore de la lutte des plus démunis pour continuer de vivre malgré les continuelles adversités et l’annonce précoce de la mort. Monsieur B., comme Jacques Cormery, incarne la sourde et infatigable volonté des humains de sublimer leur condition mortelle en insufflant au monde et à l’existence un sens supérieur et authentique.

 

Mon propos n’est par conséquent pas de berner le spectateur, je ne m’en donne d’ailleurs pas les moyens ni le droit, mais de le faire douter quant à ce qu’il voit et pense. Que la nature de la photographie est mensongère, toute personne avertie le reconnaîtra aisément; nul besoin de s’y attarder une fois de plus. La fiction en dit autant sur le réel que le réel sur la fiction, du moins selon un point de vue dualiste. Le spectateur, une fois remis de ce trouble passager devrait se questionner sur l’intention réelle du projet; ainsi, et seulement ainsi naîtra ce que l’on appelle communément l’œuvre d’art, puisque celle-ci selon moi sert à réunir les humains et à les élever.

 

“Le premier homme” est un hommage aux petites gens dont je me sens proche et auxquelles j’appartiens.

 

– Tomasz Fall