23.10.2011 — 27.11.2011
L'une ou l'autre, l'une et l'autre

Josette Taramarcaz et Marie Vieli

 

L'idée de réunir des artistes - qui parfois ne se connaissent même pas - dans une même exposition est souvent le fruit du hasard. Hasard d'une rencontre, de visites d'atelier ou de galeries. Au détour de la récolte, souvent inconsciente, de ces images glânées un peu partout, des liens se tissent, une exposition prend forme.

 

Josette Taramarcaz et Marie Vieli ont, chacune de leur côté, soumis au directeur du Manoir de la Ville de Martigny un projet d'exposition individuelle. En observant leurs travaux, Mads Olesen y a perçu des analogies et des sensibilités proches qui l'ont poussé à organiser cette exposition intitulée "L'une ou l'autre, l'une et l'autre", pour montrer à la fois les ressemblances et les différences de ces personnalités fortes et originales. Les deux artistes ont visité les ateliers l'une de l'autre afin, en premier lieu, de comprendre la raison de cette proposition d'une exposition commune. Très vite, chacune a ressenti chez l'autre une manière proche de s'approprier la réalité en la restituant par des images oniriques et spirituelles, même si les deux artistes possèdent une façon bien à elles de créer - ne serait-ce que dans la technique - ainsi qu'un langage individuel particulier mais avec des aspects susceptibles de résonner harmonieusement ensemble.

 

 

Josette Taramarcaz exprime, par le corps ou par les objets, l'élément transcendental et spirituel intrinsèque à l'être humain. Que ce soit dans ces figures élancées de femmes éthérées, de couleur bleue, semblables à des esprits nouvellement incarnés et intemporels, ou dans les installations de boîtes en porcelaine aussi fines que du papier s'envolant dans l'espace, ou encore dans ces vaisseaux qui traversent des mondes parallèles, tout l'oeuvre de la céramiste est tourné vers le symbole, l'analogie, la face cachée des choses. Ce qui ancre son travail dans le monde réel est la matière terre, mais aussi la dimension démesurée des pieds et des mains de ses personnages, qui semblent ainsi les retenir d'un envol certain. Cet aspect a déterminé aussi la disposition des différentes sculptures dans les salles du Manoir, avec notamment les Vertiges et les Grâces dans les étages inférieurs - comme pour les enraciner -, laissant les sculptures blanches et l'envol des boîtes pour le dernier étage.

 

La couleur bleue, qui est donc la dominante du premier et deuxième niveau, a inspiré Marie Vieli qui a pris le parti de créer, pour cette exposition, une série inédite de peintures dans lesquelles elle a réintroduit cette teinte. Tout en transparences superposées, traversés d'infinies tonalités des plus sourdes aux plus fraîches et éclatantes, ses tableaux n'ont d'abstrait que l'apparence. Le regard, en s'y plongeant, peut distinguer en effet des silhouettes de collines, la trace d'une échelle ou le reflet de fleurs diaphanes, éléments qui hantent son oeuvre depuis longtemps, tels les fragments d'un langage qui chercherait à capter les images éphémères du souvenir et du rêve. La vision onirique a été l'un des points de départs de ces nouveaux tableaux pour lesquels elle s'est posée la question: "Que voient ces personnages bleus accroupis, au regard perdu vers l'infini ? ". Comme pour compenser cet afflux de minéralité de la céramique, les tableaux de Marie Vieli ont été envahis par l'élément végétal qui s'efface ensuite progressivement, d'une oeuvre à l'autre, pour n'en laisser qu'une trace. Et est-ce l'absence de chevelure des personnages de Josette Taramarcaz qui ont influencé les ondulations qui se répandent dans certains tableaux, semblables à de longues mèches flottantes ? De même la verticalité des boîtes en céramique se retrouvent dans les lignes qui délimitent d'autres compositions ou dans la présence de sortes d'échelles qui font passer d'un univers à un autre.

 

Parfois soulignés par la volonté de l'artiste ou simple coïncidence entre deux sensibilités proches, les points de contacts sont nombreux, preuve que la rencontre de ces deux artistes s'est indéniablement matérialisée dans des liens mystérieux qui se sont tendus d'une oeuvre à l'autre, pour offrir au spectateur un parcours presque initiatique, de la terre vers le ciel, en le guidant par les signes et les indices que peintre et céramiste l'invitent à déchiffrer.

 

— Nicole Kunz